À l'hôpital avec

Herbert Harvey Jones

Servi avec

CAMC

Corps médical de l’armée canadienne, l’hôpital général canadien no. 5

grade

Sergent

Âge au engagement : 22

Lieu de naissance : Montréal, Québec

Emploi précédent : Greffier

Journal intime couvre : de 1915 à 1917

[Journal intime] “Herbert Harvey Jones Diary Cover” 1916, Collections CCGG

Le journal intime de Herbert Harvey Jones couvre son entraînement au Québec et en Angleterre et son service avec l’hôpital général canadien no. 5 à Salonique. Entouré des ennemis, aux prises avec des maladies et un manque de ressources, son journal montre l’expérience canadienne dans ce théâtre de guerre peu connu.

Le front de Salonique s’étendait sur 250 miles dans le Nord-Est montagneuse de la Grèce. Le front était largement inactif durant ses premières années, mais était néanmoins un lourd fardeau pour les armées de l’Autriche-Hongrie et la Bulgarie et contribuerait à leur effondrement.

[Carte] “The British Balkan Front from Gjevgjeli to Orfano” in Salonica and After: The Sideshow that Ended the War, London: Hodder & Stoughton, by Owen H. Collinson, 1919.

Un Noël pluvieux

Le chaos et climat du front de Salonique

Suite à l’effondrement du front serbe en 1915, le chaos régnait dans les Balkans. Les puissances de l’Entente (la France, l’Angleterre, la Russie et l’Italie) se tentaient de sauver la situation en créant le front de Salonique en Grèce – un pays officiellement neutre dans le conflit. Jones est arrivé à Salonique en décembre 1915 à temps pour être partie du tumulte d’établir un nouveau front.

[Photographie] “THE MACEDONIAN CAMPAIGN, 1915-1918” par Ernest Brooks, 1916, Imperial War Museum Q 13626.

« À 11h 30 nous avons ancré dans le port de Salonique. [...] Parce qu'il y a une très mauvaise méthode, un manque de logement pour débarquer la cargaison humaine et [la mauvaise] communication nous avons dû attendre notre tour [pour débarquer] et donc nous avons passé 9 jours au port. La ville, lorsqu'elle est vue du bateau, vous donne l'impression qu'elle est un endroit décent, mais c'est seulement quand vous avez débarqué que vous réalisez comment vous avez été trompé...»

Le chaos n’a pas pris fin une fois à terre. Après avoir déplacé vers l’intérieur, Jones et les autres médecins et infirmières ont dû établir un hôpital avec peu de ressources – une situation aggravée par des intempéries.

Entre le 20 et le 25 décembre, le journal intime de Jones mentionne souvent les intempéries et les pénuries.

« Lorsqu'il pleut, peu importe la quantité, la terre devient visqueuse, boueuse et glissante... »

« Ce jour, et pour les 3 prochains jours, nous n'avons vécu que sur du « bully beef » [viande en boîte, généralement du boeuf salé] et des biscuits secs et du thé »

« Nous ne pouvions pas nous laver ou raser pendant ces 4 jours en raison de la pénurie d'eau. »

Jones est resté optimiste durant tous ces épreuves. Cette attitude positive serait autant une partie de son succès que ses compétences techniques.

« ... un effort spécial a été fait pour procurer assez d'eau pour que nous puissions nous faire plus présentables pour le jour de Noël que nous avons beaucoup apprécié [...] nous avons réussi à acheter quelques dindes d'un voisin grec pour que nous puissions avoir l'idée [que] c'était Noël. 12 d'entre nous [...] avons organisé un souper à 17h 30 que nous avons beaucoup aimé. »

L'ennemi invisible

[Photographie] “View of no.5 Canadian General Hospital” 1916-1919, City of Vancouver Archives, CVA 371-248.05.

Les maladies au front de Salonique

Largement inactif à ses débuts, les soldats du front de Salonique ont passé plus de temps en train de combattre les maladies que les armées ennemies. Le plus répandu de ces maladies était le paludisme.

« Par ce soir 3940 [patients] ont été admis. Tous nos hébergements ont été utilisées et nous avons dû ériger des grands chapiteaux pour loger le nombre de patients en excès de notre capacité. Nous pouvons accommoder 1040 [patients] mais nous avons présentement 1165. »

Deux souches du paludisme, une native à la Grèce et une provenant de l’Inde, se sont combinées créant une nouvelle souche avec des symptômes et sévérité qui pourraient varier énormément. Le pire des symptômes était la fatigue qui a souvent laissé des soldats cloués au lit pour des jours à la fois. Pendant les étés de 1916 et 1917, au plus fort de l’épidémie, le taux d’infection pourrait être aussi élevé que 300% car les soldats attrapaient le paludisme plusieurs fois dans une saison.

Le sirop de quinine était consommé par les soldats chaque jour pour combattre la maladie. Alors qu’il était efficace comme traitement une fois qu’un soldat avait contracté le paludisme, il était inutile comme préventif. Il avait aussi un gout terrible ainsi que des effets indésirables comme la nausée et, dans des cas extrêmes, la cécité. Des tentatives pour éliminer les moustiques qui étaient porteurs de cette maladie ont été essayées mais n’auraient aucun impact pendant la guerre.

[Photographie] “British troops taking their daily dose of quinine” by Ariel Varges, July 1916, Imperial War Museum, Q 32160.

Les soldats en ligne pour prendre leur ration de sirop de quinine. Malgré son impopularité parmi les soldats, le sirop de quinine était consommé plusieurs fois par jour à des doses croissantes.

Le personnel des hôpitaux n’était pas immunisés contre les maladies qui ont affligé la région. En conséquence, les médecins, infirmières et les aides-soignants étaient régulièrement hospitalisés avec les mêmes maladies que leurs patients. Au cours de son service, Jones attraperait le paludisme, la bronchite et la dysenterie.

Les paroles dans les tranchées

[Journal intime] “Herbert Harvey Jones Diary” 3 janvier 1917, Collections CCGG

« [Une] forte rumeur [que] les hôpitaux canadiens retournera en Angleterre d'ici trois mois. Cette fois-ci [c'est] censé être vrai. »

Les rumeurs et le ragot à Salonique

Minuscule, isolé et impopulaire parmi les soldats, le front de Salonique était un endroit où l’information était facilement contrôlée par les officiels militaires. La combinaison d’isolement et de censure en a fait un terrain fertile pour la propagation des rumeurs à la fois mondaines et outrageantes.

« Soupçonne [que] les avions ennemis ont largué des bactéries [et] germes d'une façon ou d'une autre. »

[Photographie] “No. 5 Canadian General Hospital: Group Portrait taken Outside” 1916-1919, City of Vancouver Archives, CVA 371-248.08.

Avec peu à faire sauf reposer, les hôpitaux étaient une environnement particulièrement favorable à la création et circulation des rumeurs.

Les rumeurs pourraient soulager la monotonie, agir comme la monnaie sociale, ou être un acte de rébellion contre les autorités. L’un des types les plus populaires de rumeurs concernait la fin de la guerre ou à tout le moins la fin de la campagne à Salonique.

[Journal intime] “Herbert Harvey Jones Diary” 29 janvier 1917,  Collections CCGG

Des rumeurs concernant leur départ imminent de la Salonique sont trouvées partout dans le journal intime de Jones.

Le parcours de Jones durant la guerre

Jones échappera la Salonique en 1917, profitant d’une excursion en Italie avant de retourner à Liverpool en Angleterre où il servira pour le reste de la guerre.

En 1918 il s’est épousé à une femme à Liverpool qui est seulement identifiable comme Mme M. E. Jones. Il sera démobilisé et est retourné au Canada en 1919. Malheureusement, son temps à Salonique lui a marqué pour le reste de sa vie. Jusqu’à sa mort en 1965, Jones souffrait des épisodes récurrents de paludisme et la bronchite chronique.

[Photographie] “Nurses at no. 5 Canadian General Hospital with the Duke of Connaught in England in 1917 after Returning from Active Service in Salonika”, 1917, City of Vancouver Archives, CVA 371-3159 .

le duc de Connaught était le plus jeune enfant de la reine Victoria et l’ancien gouverneur général du Canada.